- HONGWU
- HONGWUHONGWU [HONG-WOU] (1328-1398) empereur de Chine (1368-1398)Fondateur de la dynastie des Ming, Zhu Yuanzhang se proclame empereur avec pour nom de règne Hongwu (nom posthume: Taizu). Il est le seul rebelle d’origine paysanne avec Liu Bang, fondateur des Han, à avoir établi une dynastie durable. Il perd la plupart des membres de sa famille, des tenanciers misérables émigrés au Anhui, lors de la famine et des épidémies de 1344 et devient moine mendiant. En 1352 il rejoint l’un des chefs des Turbans rouges, dont la rébellion, inspirée par le bouddhisme millénariste du Lotus blanc, sévit depuis peu dans le bassin de la Huai, et sous sa protection devient rapidement un général influent dans le mouvement. Dès 1356, il franchit le Yangzi pour établir sa base à Nankin. Devenu l’un des principaux chefs militaires en guerre contre les Mongols, il n’a de cesse d’agrandir ses territoires aux dépens de ses rivaux. S’étant emparé des provinces centrales de Chine (1360-1363), il prend le titre de roi de Wu et s’emploie à créer un véritable État bureaucratique, ainsi qu’une armée qui ne soit plus fondée sur le seul compagnonnage individuel. Sa puissance s’accroît encore avec la conquête, sur un autre de ses rivaux, des riches provinces du bas Yangzi (1365-1367). Il rompt les liens avec les Turbans rouges après la disparition de leur prétendant officiel (un jeune «roi» présenté comme un descendant de la dynastie des Song). Les éléments manichéens qui étaient présents dans le mouvement se retrouvent cependant dans le nom («Clarté») de la dynastie dont il se proclame empereur en 1368 à Nankin, quelques mois avant que ses généraux ne chassent les Mongols de Chine du Nord (1367-1368).Le régime instauré par Zhu Yuanzhang, désormais l’empereur Hongwu, présente bien des ambiguïtés. Pour acquérir la respectabilité dynastique et gouverner son nouvel empire, il a dû renier ses origines «hétérodoxes» et accorder une place croissante aux lettrés, lesquels sont depuis les Song les véritables dépositaires de la légitimité politique et intellectuelle; mais ses origines sociales et son absence d’éducation, le contexte politique et militaire de son ascension, son caractère autoritaire et soupçonneux, sa brutalité tout à l’opposé des manières «confucéennes» prisées par les lettrés, les faveurs dont il entoure ses compagnons de la première heure — tout cela rend la cohabitation difficile. L’histoire de son règne est marquée par une suite d’incidents violents. Refusant au départ de revenir au système des examens et préférant recruter les fonctionnaires sur recommandation, il laisse son Premier ministre Hu Weiyong se constituer une énorme clientèle et acquérir un pouvoir dont l’aristocratie militaire prend ombrage et qu’il finit par craindre lui-même. La purge sanglante de 1380 — quelque 15 000 victimes — est l’occasion d’un remaniement institutionnel qui revient à abolir la fonction traditionnelle de Premier ministre et à concentrer tous les pouvoirs civils et militaires entre les mains de l’empereur lui-même; les gouvernements provinciaux disparaissent de même au profit de commissions (administrative, militaire, censoriale) directement rattachées au centre. Ainsi la création d’une base de pouvoir menaçant le trône devient-elle impossible. En dépit de nouveaux changements institutionnels, le style de gouvernement despotique ainsi inauguré restera la norme jusqu’à la fin de l’empire. Par ailleurs, s’il rétablit le système des examens (1384) et laisse se constituer une classe bureaucratique cumulant fonctions, richesse et prestige, celle-ci restera jusqu’à la fin de la dynastie soumise à l’arbitraire et aux brutalités des empereurs et de leurs agents directs (eunuques du palais, police secrète).Manifestant un comportement paranoïaque parfois qualifié de «stalinien», Hongwu décapite, lors d’une nouvelle purge en 1393, l’establishment militaire qui l’avait aidé à conquérir l’empire, et apanage ses propres fils à la tête de commandements frontaliers, les mettant ainsi eux-mêmes en position d’usurpateurs potentiels. Le prince de Yan, basé à Pékin, se soulèvera effectivement contre le successeur de Hongwu (son petit-fils Jianwen) et le renversera, devenant l’empereur Yongle (règne de 1402 à 1424).Le règne de Hongwu est marqué par une réforme profonde des institutions locales et par un vaste effort de reconstruction économique — l’empire est exsangue après un siècle de domination mongole et vingt ans de guerre civile. Les deux aspects vont d’ailleurs de pair: il s’agit de développer les aménagements hydrauliques et les défrichements, mais aussi de fixer la population et d’encourager les petits propriétaires indépendants au détriment des grands domaines. Il y a indéniablement un côté «populiste» chez Hongwu, qu’expliquent ses origines paysannes. Un cadastrage général de l’empire est organisé, et un système complexe de recensement décennal de la population et des terres est mis en place, qui permet de stabiliser les rentrées fiscales de l’État. La société rurale est organisée en unités de dix et cent foyers (les lijia ) prenant à leur charge la collecte des impôts et la répartition des corvées sous la responsabilité des familles les plus riches. Le système des «anciens de village» (lilao ) est censé assurer l’endoctrinement idéologique de la population sur la base des «six instructions» rédigées par Hongwu. Mais cet idéal d’une population socialement et géographiquement stable, se contrôlant elle-même, relativement égalitaire, n’a pas résisté au dynamisme économique et aux transformations sociales des siècles suivants. De même, les facteurs de tension inhérents au système de gouvernement mis en place par Hongwu ont assez vite débouché sur des crises politiques graves. Si ce remarquable fondateur de dynastie a su restaurer un État chinois puissant et prospère, les institutions qu’il a créées poseront beaucoup de problèmes à ses successeurs.
Encyclopédie Universelle. 2012.